Recherchons ensemble l'origine de l'idiome célèbre "éléphant rose"

L'éléphant rose

Vous connaissez fort probablement cette image : si quelqu'un vous accuse de voir un éléphant rose, il vous signifie que vous souffrez d'hallucinations... probablement causées par un état d'ébriété.

Mais avant d'en savoir plus, vous serez peut-être intéressé(e) par notre magnifique collection de tableaux éléphants !

Nous disposons de nombreux modèles de toiles et peintures, n'hésitez pas à venir faire un tour !

Une expression très populaire, un peu partout dans le monde

Pendant l'année 1992, la "Confrerie van de Roze Olifant" ("Confrérie de l'éléphant rose") a été fondée pour promouvoir les bières belges fabriquées par la brasserie Huyghe, alias Brouwerij Huyghe. La brasserie est en activité depuis 1654 et sa bière la plus connue s'appelle Delirium Tremens (qui signifie "folie tremblante" en latin). Elle a une teneur en alcool de 8,5 % et a été nommée "meilleure bière du monde" lors des championnats du monde de la bière 2008 qui se sont tenus à Chicago, dans l'Illinois.

Une bière forte qui vous fera voir des éléphants roses (y compris sur la bouteille !).
Source de la photo : PandamicPhoto.com sur Flickr

Toujours dans le registre des boissons, on trouve un cocktail nommé l'éléphant rose... même chose pour du vin rosé (provenant du Lubéron) !

Dans l'édition du 14 mai 2010 du Wall Street Journal, et en réaction au discours de l'ancien gouverneur de l'Alaska lors d'un petit-déjeuner de collecte de fonds pour la liste Susan B. Anthony à Washington, D.C., la journaliste Jean Spender écrivit ceci :

Attention, Washington. Toute une ruée d'éléphants roses se prépare à arriver au mois de novembre.

Mais d'où vient cette expression au sujet des "éléphants roses" ? Et pourquoi parler d'éléphants roses plutôt que d'éléphants verts, jaunes ou bleus ? Retraçons ensemble le fil de son origine.

Retour vers le passé

En 1962, Serge Gainsbourg sort son quatrième album intitulé "Serge Gainsbourg N°4", lequel contient, en tant que 4ème titre, le morceau "Intoxicated man", dans lequel il explique voir des éléphants roses suite à l'absorption d'alcool à trop forte dose.

Je bois,
A trop forte dose.
Je vois,
Des éléphants roses,
Des araignées sur le plastron
De mon smoking,
Des chauves-souris au plafond
Du living-room

Serge Gainsbourg, Intoxicated Man - ℗ 1962 Mercury Music Group

En 1953, un dessin animé des Looney Tunes intitulé "Punch Trunk" faisait référence aux éléphants roses lorsqu'un ivrogne regarde sa montre et dit ensuite à un petit éléphant gris "Tu es en retard !" En titubant, il ajoute en aparté pour le public : "Il a toujours été rose".

Punch Trunk, un dessin-animé Looney Tunes
"Punch Trunk" : Copyright of Warner Brothers

On peut donc en déduire qu'avant 1953, cette notion d'éléphants roses existait déjà sous une forme ou une autre. Alors on continue. Dans le film d'animation de Disney de 1941, "Dumbo", Timothée (Timothy Q. Mouse en version originale) et Dumbo l'éléphant se retrouvent accidentellement en état d'ébriété lorsqu'ils boivent de l'eau additionnée de champagne. Suite à cette mésaventure, ils hallucinent et voient des éléphants roses qui chantent, dansent et jouent des instruments de fanfare. Il serait facile de s'arrêter là et de dire que c'est une expression qui vient de Dumbo, mais ce ne serait pas vraiment exact. Poursuivons donc.

Notre pauvre Dumbo plane complètement !

Dans l'édition de décembre 1938 de la bande dessinée américaine "Action Comics #7", Superman soulève un éléphant au-dessus de sa tête alors qu'il se produit au cirque. Comme le plus souvent dans ce genre d'histoire, il se doit d'y avoir dans la foule au moins une personne dans le déni, et en l'occurrence, c'est un ivrogne. Voyant la démonstration de force de Superman, l'ivrogne dit : "Ça ne me dérange pas de voir des éléphants roses, mais, hic !, là c'est trop !"

Dans le chapitre 2 du roman autobiographique "Le Cabaret de la dernière chance" de Jack London, publié en 1913, l'auteur fait une très bonne association entre l'alcool et les éléphants roses :

Il existe, en gros, deux types de buveurs.
Il y a l'homme que nous connaissons tous, stupide, sans imagination, dont le cerveau est engourdi par des asticots, qui marche sans aucune assurance et tombe continuellement dans le caniveau.
Et il y a celui qui voit, au bout de son extase, des souris bleues et des éléphants roses. C'est ce genre de type qui donne lieu aux meilleures plaisanteries des journaux humoristiques.

D'après quelques encyclopédies, l'origine de cette expression viendrait de ce livre de Jack London. Néanmoins, en cherchant plus en arrière dans le temps, l'expression apparaît aussi dans le "National Provisioner", publié par la "Food Trade Publishing Company". Dans l'édition du 17 octobre 1908, on trouve l'extrait suivant concernant la Convention des conditionneurs à Chicago – et qui, plus précisément, est un extrait considéré comme faisant partie des "conséquences de la convention" :

Écoutez le doux oiseau à l'aneth chanter de doux poncifs et la voix du niph placide se mêler à sa voix dans un unisson béat. Et voyez - voyez les éléphants roses et les moustiques verts qui courent à cheval sur les murs - qu'est-ce que c'est ? Il est 11 heures. Dites, faites monter un garçon avec un pichet d'eau glacée, voulez-vous ? Dépêchez-vous, s'il vous plaît.

Nous retraçons l'origine de cette expression, mais avant d'aller plus loin, posons-nous la question suivante : existe-t-il réellement des éléphants roses ? Eh bien en fait, oui. Les éléphants albinos - qui sont beaucoup plus fréquents chez les éléphants d'Asie que chez les éléphants d'Afrique - sont de couleur rouge-brun ou rose. En Thaïlande, on les appelle "Chang phueak", ce qui signifie éléphant rose, et ont pour les thaïlandais une valeur incommensurable.

Un exemple d'éléphant albinos, très rare
Un éléphant à la très grande valeur en Asie (source de l'image : Wikipedia).

En 1877, la reine Victoria est devenue l'impératrice des Indes alors que l'Inde était sous contrôle britannique depuis 1858. Six ans après le couronnement de la reine Victoria, en 1883, l'impératrice des Indes, Toung Taloung, hiverne un temps aux jardins zoologiques de Londres avant de poursuivre son voyage pour rejoindre le cirque Barnum, Bailey & Hutchison à New York. Pendant leur séjour à Londres, les journalistes et les citoyens ont été déçus d'apprendre que le prétendu éléphant "blanc" n'était pas du tout blanc, mais plutôt d'un brun rougeâtre - ou plutôt, "d'un rose quelque peu poussiéreux".

Certains pourraient être tentés d'aller encore plus dans le passé afin de rappeler que Ganesh, le Dieu éléphant, est souvent représenté avec une couleur rose. Mais dans le cas présent, cette couleur n'a jamais été associée à quelconque épisode hallucinatoire.

Alors, où se situe l'origine de cette expression ?

On peut donc en conclure que c'est quelque part entre 1883 et 1908 – 25 ans entre l'arrivée de Toung Taloung au jardin zoologique de Londres et l'article du National Provisioner – que les éléphants roses, qui existent réellement même si très rares, furent associés aux hallucinations, et plus particulièrement à celles conséquentes à l'abus de boissons alcoolisées. Et l'expression est vraiment devenue populaire grâce à Jack London.

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