Le mammouth laineux

février 17, 2020

Le mammouth laineux, frère de l'éléphant d'Asie

Quand quelqu'un vous parle d'"ère glaciaire", le premier animal qui vous vient à l'esprit est le mammouth laineux. C'est l'animal emblématique du Pléistocène (période géologique ayant fini en -9 700). Il y avait d'autres grands proboscidiens qui évoluaient à cette époque, dont le mastodonte et les gomphothères, mais ce sont les mammouths laineux qui nous marquent le plus. Leur taille énorme, leur grand pelage hirsute et leurs défenses massives et incurvées leur ont valu des rôles clés dans des films tels que L'Âge de glace, 10 000 (av. Jésus-Christ) et le film d'action/horreur Mammouth, la résurrection). Les moins jeunes de nos lecteurs se rappelleront aussi sans doute qu'une chaîne de supermarché française portait leur nom 😁

Les mammouths laineux, aujourd'hui disparus, appartenaient au genre "mammouth", qui est lui-même membre de la famille de mammifères des Elephantidae (éléphantidés), tout comme l’éléphant. Les éléphantidés ont tous en commun de posséder cette trompe si distinctive.

Ce qui est fabuleux avec le mammouth laineux, c'est que plus nous en apprenons sur lui, plus il devient impressionnant.

Premières découvertes de mammouths dans les glaces de Sibérie

La première fois que des carcasses de mammouths laineux congelées depuis des siècles ont été dégelées du permafrost en Sibérie, la population locale les a pris pour des espèces de taupes géantes, tant leurs corps étaient bien conservés. Il s'agissait pourtant bien de mammouths laineux, vieux de 40 000 ans ! Ces spécimens congelés, préservés dans un parfait état, ont contribué à faire de cette bête poilue une icône. Il est plus facile de se rattacher à quelque chose que l'on peut voir et, contrairement à de nombreux fossiles, les mammouths congelés étaient encore tout en chair et en organes. Les spécimens récemment découverts en Sibérie il y a environ 10 ans avaient fait grand bruit dans la presse, comme le bébé mammouth Lyuba, d'une incroyable beauté. Grâce à ces animaux étonnamment bien conservés, nous avons pu en découvrir davantage sur l'anatomie de cette espèce et approfondir nos connaissances sur le mode de vie de ces créatures extraordinaires.

Lyuba, le bébé mammouth retrouvé presque intact dans les glaces de Sibérie
Le superbe bébé mammouth Lyuba, le mieux préservé découvert jusqu'à présent dans la toundra glacée de Sibérie (Source de l'image Ruth Hartnup sur Flickr)

Un lien important entre évolution géographique et climat

Il y a environ 5 millions d'années, la lignée des mammouths évoluait déjà en Afrique, avec l'ancêtre de tous les mammouths, Mammuthus subplanifrons. En Europe, il a existé plusieurs espèces de mammouths, dont le mammouth du Sud (Mammuthus meridionalis) et le mammouth des steppes (Mammuthus trogontherii). Mais il n'existe qu'un seul mammouth laineux, Mammuthus primigenius. Cette espèce, qui a divergé du mammouth des steppes, semble avoir évolué en Sibérie il y a environ 600 000 ans, et en Europe il y a environ 200 000 ans.

Tout au long de l'ère pléistocène (-2,6 millions d'années jusqu'à il y a environ 11 800 ans), le climat changeait de manière spectaculaire ; les périodes de sécheresse extrêmement froides laissaient place de manière cyclique à des périodes plus chaudes et plus luxuriantes. Ce climat constamment changeant a évidemment eu un effet sur les animaux vivant à cette époque. Quand l'hiver pointait le bout de son nez, il frappait fort. Heureusement pour le mammouth laineux, c'était une bonne chose. Ils vivaient dans ce que l'on appelle la "steppe à mammouths", biome aujourd'hui disparu, qui était un environnement très froid et sec, composé de petits arbres, et de beaucoup de végétation arbustive basse et d'herbes. Les steppes abritaient de nombreux troupeaux d'animaux différents, dont des chevaux, des rennes, des megaloceros, des bisons et des cerfs géants (et bien sûr les prédateurs).

Les climats plus chauds, eux, forçaient les mammouths à quitter la steppe, ils se dirigeaient donc vers le nord pendant les mois chauds, et migraient vers le sud à mesure que la steppe s'étendait pendant les mois plus froids. Certaines années, les hivers duraient beaucoup plus longtemps et l'habitat de la steppe s'étendait encore plus. De nombreux troupeaux de mammouths et d'autres bêtes se déplaçaient à travers les paysages en expansion. Avec plus d'eau emprisonnée dans les énormes glaciers, il y avait plus de terres. Cela a permis au mammouth laineux de voyager à travers la Sibérie, l'Europe et même en Amérique du Nord grâce au pont terrestre que formait à cette époque le détroit de Béring. Il est d'ailleurs intéressant de noter que plusieurs espèces animales se sont déplacées vers l'Amérique du Nord de cette façon, notamment les lions et les humains. Le fantastique rhinocéros laineux, qui jouissait du même environnement que les mammouths laineux, n'a pas réussi à traverser. Les hyènes non plus.

A quels endroits vivaient les mammouths laineux pendant la dernière ère glaciaire ?
L'aire de répartition supposée du mammouth laineux, pendant la dernière période glaciaire (achevée il y a environ 10 000 ans) est ici colorée en jaune - (Source Wikipedia)

Spécificités anatomiques

Grâce aux mammouths laineux retrouvés en Sibérie, nous en savons plus sur cette bête du crépuscule que sur n'importe quelle autre. Cette grosse bête était adaptée pour braver les températures froides.

Son poil hirsute familier varie de la couleur brun clair à la couleur brun foncé, et peut atteindre 40 cm de long !  Les glandes de la peau sécrétaient des huiles dans ce poil épais et mat, ce qui donnait au poil une meilleure isolation. Sous ces glandes huileuses se trouvait une épaisse couche de graisse, qui recouvrait le corps.

Des oreilles courtes et une queue courte minimisaient toute perte de chaleur du corps. Un grand rabat de peau recouvrait également l'anus pour le garder au chaud.

Les mammouths possédaient, sur le dos, des bosses de graisse qui leur fournissaient les nutriments supplémentaires nécessaires leurs habitats situés les plus au Nord, entièrement recouverts de glace.

Dotée de deux énormes défenses courbées faisant office d'incisives à la croissance constante, la bouche n'avait cependant que quatre molaires, deux en haut et deux en bas. Ces molaires étaient impressionnantes. En plus d'être assez grosses (environ la longueur d'un bras humain adulte de taille moyenne), elles étaient faites de plaques d'émail mélangées à de la dentine qui les maintenait ensemble. Elles avaient quelque chose d'unique : de nouvelles molaires poussaient à l'arrière, repoussant les molaires plus anciennes et plus usées vers l'avant de la dent. Ce système de roulement continu, également présent chez nos éléphants contemporains, se réalisait 6 fois au cours de la longue vie du mammouth laineux, d'environ 60 ans. Ces grosses bêtes avaient besoin d'assimiler beaucoup de nourriture, c'était donc une adaptation indispensable pour leur éviter de mourir de faim.

Leurs dents plates et striées donnent des indices sur ce qu'ils mangeaient ; mais les restes congelés nous donnent beaucoup plus de détails ! Les restes de plantes dans les dents et les intestins des carcasses congelées montrent qu'ils se nourrissaient principalement d'herbe et de carex. Ils n'étaient pas très difficiles, puisque l'on a également trouvé des restes de fleurs, de plantes herbacées, de mousses, d'arbustes et d'arbres.

Détail d'une dent de mammouth laineux
Une dent de mammouth en très bon état de conservation

Quels sont les liens génétiques entre les mammouths et les éléphants actuels ?

Le génome mitochondrial provenant d'un mastodonte américain (Mammut Americanum, appartenant tout comme le mammouth laineux au sous-ordre des Elephantiformes) a été séquencé en 2005 par Michael Hofreiter et son équipe de l'institut Max Planck à Leipzig en Allemagne.

Ce génome a ensuite été utilisé pour comparer des séquences complètes du génome mitochondrial de mammouths laineux et des deux genres d'éléphants vivants (Elephas (Asie) et Loxodonta (Afrique)).

L'étude a établi avec certitude que les lignées d'ADN mitochondrial des mammouths et des éléphants d'Asie sont plus étroitement liées entre elles qu'elles ne le sont avec les éléphants d'Afrique. Une manière de dire que les mammouths laineux étaient les cousins proches des éléphants d'Asie actuels.

Cependant, cette étude suggère également qu'une image plus complexe encore de l'évolution pourrait finalement émerger dans le futur.

Les rapports entre les mammouths laineux et les Hommes

Les Néandertaliens et les humains (Homo Sapiens) ont côtoyé les mammouths laineux, et tous deux auraient chassé le mammouth et récupéré leurs carcasses. Les marques de découpe sur les os montrent qu'ils ont été dépecés pour leur viande et il est probable que leur peau était utilisée pour la fabrication de vêtements et d'abris.

D'incroyables découvertes en Ukraine et sur plus de 70 sites en Russie, ont permis de démontré que les os de ces géants étaient aussi utilisés pour fabriquer des huttes.

Les os étaient également utilisés comme combustible pour les feux, chose vitale dans la toundra froide où le bois de chauffage était rare.

Ces géants étaient clairement essentiels à la survie des premiers humains dans ces environnements extrêmement difficiles.

Réplique d'un abri construit à l'aide d'os de mammouths
Hutte constituée à partir de carcasses de mammouths (réplique) (Source Wikipedia)

Les premiers humains avaient une relation proche avec ces géants poilus. En plus d'être une ressource alimentaire essentielle, le magnifique mammouth laineux était dessiné sur les murs de nombreuses grottes en France, notamment la Grotte de Cussac, la Grotte Chauvet et la Grotte de Font-de-Gaume. Leur ivoire était utilisé pour sculpter des figures complexes d'une incroyable beauté. Il est difficile de savoir comment les humains percevaient ces géants, mais on peut parier que c'était avec une certaine admiration et un grand respect.

Comment expliquer l'extinction des mammouths laineux ?

Beaucoup pensent que l'extinction du mammouth laineux a été causée par une sur-chasse de la part des Hommes. De récentes études basées sur la datation par le carbone 14 ont montré que la répartition géographique de ce pachyderme a évolué avec le changement climatique.

Vers la fin du Pléistocène, les températures plus chaudes ont réduit la quantité d'environnement steppique dont les mammouths laineux bénéficiaient. Les petits troupeaux ont suivi la nourriture vers le nord, jusqu'à ce qu'ils n'en soient plus capable. La chasse humaine fut le coup de grâce pour cette espèce qui était menacée. Leur disparition est donc due à l'addition de deux facteurs. 

Les derniers mammouths laineux d'Europe et d'Amérique du Nord se sont éteints il y a moins de 9 800 ans. Cependant en Sibérie, une population résiduelle avait encore survécu.

En effet, au nord-est de la Russie, dans la mer de Sibérie orientale, et suite à la montée de la mer due à la déglaciation, une population de mammouths se retrouva isolée sur une petite île : l'île de Wrangel, dernier foyer connu des mammouths laineux.

Ils y ont survécu pendant près de 6000 ans, jusqu'à ce que certaines mutations génétiques néfastes ne se propagent parmi cette population insulaire, et cause sa perte, il y a de cela seulement environ 4000 ans.

A cette époque, les premières pyramides étaient construites, le royaume de Babylone était fondé, l'Hindouisme existait déjà depuis 500 ans et les premières dynasties égyptiennes depuis 1000 ans. C'est dire à quel point ces animaux mythiques sont finalement si proches de notre époque moderne.


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