Les cimetières des éléphants existent-ils ?
Ce concept d'ossuaire des éléphants n'est-il que légende ? Et pourquoi ne l'associe-t-on qu'à l'Afrique et jamais à l'Asie ? Voyons cela...
La légende du cimetière des éléphants du Kilimandjaro
Selon les légendes du peuple Chagga, le Kilimandjaro détient un secret...
Quelque part dans la zone enneigée du Kilimandjaro, au fond d'un mystérieux cratère caché, se trouve un énorme cimetière d'éléphants niché au milieu des congères. D'innombrables tonnes de restes d'éléphants et d'ivoire s'étendent au fond du cratère, si l'on en croit les légendes.
Lorsqu'un éléphant, mâle ou femelle, sent que son heure est venue, il passe par la ligne de neige de la plus haute montagne d'Afrique pour atteindre une falaise précaire au bord du cratère caché. Des milliers de vieux éléphants ont sauté du bord du cratère pour rejoindre leurs ancêtres dans l'ossuaire situé en-dessous.
Pourquoi ? Selon le peuple Chagga, les éléphants vivant aux alentours du Kilimandjaro font cela pour déjouer les braconniers qui les ont chassés. Ainsi ils s'assurent que leurs défenses reposent pour l'éternité dans un lieu éloigné et presque inaccessible.
Tout individu qui trouve le cratère caché et parvient à en revenir est averti : ne prenez qu'un seul morceau d'ivoire et soyez maudit pour toujours.
Les conséquences de la malédiction varient suivant les récits ; certains disent qu'elle provoque une cécité soudaine, d'autres que les individus ne pourront tout simplement jamais s'échapper du cratère. Mais tous sont d'accord : des sorts seront jetés sur les visiteurs du cimetière ayant la même avidité que celle des braconniers.
Du moins, c'est ce que dit la légende...
Cimetières d'éléphants et empathie
Si le concept des cimetières d'éléphants a été popularisé et cimenté dans la conscience du public par des contes en Afrique et des scènes du Roi Lion (Disney) et de certains films Tarzan à l'étranger, ces cimetières sont plus un mythe qu'une réalité.
L'origine de ce mythe n'est pas très difficile à deviner. L'intelligence des éléphants est en effet l'une des plus développées du règne animal. On a observé que les éléphants utilisent des outils, effectuent des calculs mentaux, s'auto-médicamentent en utilisant les feuilles des arbres, imitent le sons d'autres bêtes et même la parole humaine, et aident de manière altruiste les animaux d'autres espèces. L'un de leurs comportements les plus remarquables est le rituel de la mort : ils se rassemblent autour des éléphants décédés, font leur deuil vocal et recouvrent le corps de leurs camarades de terre et de feuilles. En observant quelque chose de si étonnant, on peut imaginer comment les tribus africaines et les naturalistes ont pu spéculer sur l'existence des cimetières des éléphants.
Mais ce n'est pas parce qu'une espèce organise des funérailles qu'elle a aussi une mémoire ancestrale des cimetières. "Il n'y a aucune raison de penser que les éléphants ont des cimetières, où les vieux animaux sauvages vont mourir", a écrit Henry Nicholls, auteur scientifique de la BBC.
Que disent les faits ?
Lorsque les Européens ont colonisé l'Afrique au XIXe siècle, ils ne voyaient que rarement des cadavres d'éléphants dans la savane, ce qui contribua un peu plus à développer le mythe de ces amas d'os, qui est vite devenu une sorte d'Eldorado pour les chasseurs d'ivoire avides. La légende a perduré de nos jours car, malgré les efforts déployés pour mettre fin au commerce illégal de l'ivoire, cette matière possède encore une valeur très importante. Le contexte explique pourquoi on n'associe jamais cette légende avec l'éléphant d'Asie.
De plus, une confusion peut être faite entre un "cimetière" et une zone dangereuse qui serait en plein milieu de la route de migration de l'éléphant. Et lorsque des éléphants mourants se regroupent autour de sources probables de nourriture ou d'eau en période de famine ou de sécheresse, que les sources d'eau se raréfient, elles confinent nos chers mammifères dans des zones toujours plus petites. Ceux qui n'arrivent pas à la saison des pluies périssent souvent à côté de ces sources asséchées. Notons également que les plus vieux éléphants ont des molaires et des incisives trop usées pour leur permettre d'assimiler de la nourriture, ainsi, n'étant plus capables que de boire, il finissent souvent leur vie morts de faim, à côté de sources d'eau.
On retrouve ainsi inévitablement des années plus tard de grandes quantités d'os de pachydermes en un même endroit. La faune sauvage peut être cruelle...
Mais, ironiquement et tragiquement, la notion de cimetière d'éléphants s'est finalement réellement concrétisée ces dernières années. Dans des endroits comme le parc national Hwange au Zimbabwe, les braconniers ont jonché les prairies de cadavres d'éléphants en empoisonnant les points d'eau avec du cyanure. Une forme de braconnage de masse... Des centaines de membres de cette espèce menacée sont morts lors de ces actions, dans l'unique but de nourrir le commerce de l'ivoire. Tous les "cimetières d'éléphants" qui existent aujourd'hui en Afrique sont l'oeuvre des êtres humains.
Pour finir
Afin de boucler la boucle, finissons cet article avec une question un peu insolite. Les éléphants vivent sur la montagne du Kilimandjaro depuis des milliers d'années, et bien que les populations aient diminué, il y a toujours des traces de troupeaux dans les forêts. Un éléphant pourrait-il vraiment grimper jusqu'à la limite des neiges du Kilimandjaro ?
Certains indices suggèrent que c'est possible. Dans son introduction au livre Kilimanjaro : To The Roof Of Africa (2002), le célèbre photographe et cinéaste David Breashears raconte la fois où il a entendu des histoires évoquant des ossements d'éléphants au sommet du Kilimanjaro... et il a finalement trouvé un squelette à 4500 mètres d'altitude.