Quel est le cri de l'éléphant ?
Les gens sont souvent étonnés d'apprendre que les éléphants communiquent entre eux. Ce n'est pourtant pas étonnant, sans quoi, comment des animaux dotés d'une forte personnalité individuelle et d'une grande intelligence, vivant dans une société complexe, pourraient-ils accomplir quoi que ce soit ?
Leurs cinq sens leur servent, directement ou indirectement, à interagir avec leurs compatriotes. Ici nous allons voir plus précisément que les éléphants communiquent à l'aide d'une grande variété de signes vocaux : des cris, des barrissements, des grondements, des grognements (ce n'est pas pareil !), des rugissements et des trompettes.
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1. Un petit rappel d'anatomie des organes vocaux
Les principaux organes vocaux de tous les mammifères, y compris les humains et les éléphants, sont les poumons, la trachée, le larynx, le pharynx et les cavités nasale et buccale. Le flux d'air provenant des poumons est l'élément principal de la production vocale, et les plis vocaux sont responsables de la mise en place ce flux d'air constant en une vibration rapide, produisant finalement un son.
2. La communication orale est indispensable pour les éléphants
L'une des caractéristiques comportementales fondamentales des éléphants est leur nature démonstrative. Ils expriment ce qui semble être de la joie, de la bêtise, de la colère, et de l'indignation pure et simple. Les éléphants semblent se délecter à faire "toute une histoire" à propos de nombreuses choses ; ce sont de vrais tragédiens. Par exemple, si un membre d'une famille exprime son indignation, sa famille et ses amis se précipitent à ses côtés afin de commenter et approuver, et pour lui apporter un soutien émotionnel et même physique, si nécessaire.
Les éléphants lancent des appels dans un grand nombre de situations. Ils crient (attention ça fait beaucoup de choses !) : pour annoncer un état physiologique ou hormonal, pour manifester des émotions fortes, pour avertir et menacer, pour annoncer des besoins ou des désirs, pour proposer, négocier ou discuter un plan d'action, pour coordonner les mouvements du groupe, pour assurer la défense du groupe, pour prendre soin des éléphanteaux, pour solliciter des soins ou un soutien, pour renforcer les liens entre la famille et les amis, pour réconcilier les différences et pour affirmer leur domination.
3. Quels sont les différents types de bruits produits par les éléphants ?
Les éléphants produisent une large gamme de sons allant des grondements à très basse fréquence, c'est-à-dire dans une gamme très grave, aux barrissements (trompettes) à haute fréquence, c'est-à-dire aigus. Les trompettes sont produites par une forte expulsion d'air à travers la trompe. Elles sont principalement des sons tonaux.
Les éléphants ont tendance à jouer de la trompette lorsqu'ils sont fortement stimulés et la qualité de la trompette varie selon le contexte. Certains sons de trompette d'éléphant sont très similaires à ceux d'une trompette ou d'un trombone. Ce type de sons de cuivres, joués à un niveau dynamique élevé, sont composés de nombreuses harmoniques en raison de l'accentuation des ondes à l'intérieur de la trompe.
Les appels des éléphants peuvent donc être classés en deux catégories : les appels perceptibles par l'oreille humaine (les trompettes), et les appels infrasonores uniquement détectables par spectrogrammes (les grondements). Par exemple, on peut facilement entendre de grandes différences entre les grondements, les cris et les pleurs produits par les éléphants, tandis que sur un spectrogramme on peut voir la différence entre un son bruyant ou tonal.
3.1 Les barrissements (ou les "trompettes")
Parmi la large gamme de sons produits par les éléphants, il existe des sons de plus haute fréquence que l'on nomme les barrissements.
Les barrissements sont produits par une puissante expulsion de l'air par la trompe, et sont principalement des sons tonaux. La plupart durent moins d'une seconde (bien que certains barrissements extrêmement longs puissent durer plus de 3 secondes).
Leur gamme sonore s'étend de 20 Hz à 12.000 Hz. Les plus forts barrissements peuvent atteindre les 117dB, soit presque autant qu'un réacteur d'avion, ce qui fait de l'éléphant l'animal le plus bruyant du règne animal actuel, juste derrière le Grand Noctilion (aussi appelé la chauve-souris bouledogue) et le singe hurleur. Ce son est créé par un souffle d'air le long de la trompe.
Les barrissements, que l'on appelle plus populairement les trompettes, peuvent exprimer une palette variée d'émotions puisque les éléphants ont tendance à barrir lorsqu'ils sont fortement stimulés. Par exemple dans des contextes où ils peuvent être craintifs, surpris, agressifs, enjoués ou socialement excités.
Et c'est pourquoi la trompette est également souvent associée à des événements intensément sociaux tels qu'une naissance, un accouplement, ou encore une cérémonie de salutation, là où la participation du groupe est importante. Dans ces situations, la trompette semble fonctionner comme une sorte de "point d'exclamation", exprimant le très haut niveau d'excitation et l'importance de l'événement.
Un éléphant peut produire une grande variété de sons en faisant varier la vitesse de l'air qu'il fait passer dans sa trompe, selon la forme dans laquelle il tient sa trompe et par sa propre posture et son mouvement.
Plusieurs grands types d'appels de trompette sont répertoriés :
- la trompette,
- la trompette nasale,
- et le reniflement.
Les appels de trompette des éléphants sont des sons puissants ayant une riche structure harmonique, qui ressemblent aux sons cuivrés des instruments de musique. Notez qu'il est assez facile d'imiter les appels de trompette des éléphants avec un trombone !
L'aspect cuivré des cris de trompette peut être expliqué comme une conséquence de la propagation non linéaire des ondes dans le canal vocal (tractus vocal étendu) ainsi que dans la trompe. En d'autres termes, l'aspect cuivré des cris de trompette des éléphants a la même origine que celui des sons de cuivres des instruments de musique à trompette ou à trombone.
3.2 Les grondements (les appels laryngés)
Deuxièmement, les sons infrasons, qui sont des grondements à très basse fréquence (autour de 16Hz). Ce sont les sons les plus communément produits. Ils proviennent à priori du larynx, et sont si puissants qu'ils sont capables de faire vibrer le corps des êtres vivants aux alentours !
Inaudibles pour l'oreille humaine, la technologie permet cependant de nous donner une idée du type de son produit. Ces grondements, qui ne sont pas des ronronnements, émettent des vibrations qui sont transmises par le sol. Ces dernières peuvent alors être perçues par les autres éléphants dans un rayon d'au moins 10 kilomètres (W.R. Langbauer, Zoo Biol. 19:425 (2000)), soit une étendue égale à trois fois celle de Paris !
Des expériences permettent de reproduire artificiellement ces sons pour attirer des éléphants, ce qui a permis de développer de nouvelles technologies, utilisées par exemple pour la localisation de mineurs coincés dans des mines :
Les grondements peuvent être découpés en 10 types bien distincts. On les appelles les types laryngés, et ils sont les suivants :
- le grondement,
- la révolte,
- le cri,
- le rugissement, qui inclut lui-même les sous-types :
- bruyant,
- tonal,
- et mixte
- le grognement,
- l'aboiement,
- et le cri rauque.
3.3 Les expressions orales de type intermédiaire
En plus des types d'appel primaires que nous venons de voir, les éléphants émettent fréquemment des appels composites qui passent d'un type à l'autre. Cette riche gamme d'appels composites comprend :
- le ronflement,
- le rugissement,
- le grondement,
- le cri,
- l'écorce
- et la trompette.
Les éléphants sont plus susceptibles de produire ces cris composites lorsqu'ils sont dérangés ou excités. En voici un exemple ci-dessous, assez impressionnant :
3.4 Les sons imités et nouveaux
L'éléphant a la capacité d'apprendre ou d'imiter certains sons, ce qui lui permet d'accéder à une catégorie supplémentaire de type de cris, à savoir les appels imités et les nouveaux cris qui, bien que structurellement uniques, peuvent ne pas être socialement pertinents.
On retrouve ainsi notamment les croassements, les claquements, les ronronnements et les bruits de camion ainsi que d'autres sons idiosyncrasiques, comme celui d'un éléphant dans un zoo coréen qui imite la voix de son maître.
L'imitation de camions et l'imitation par des éléphants d'Afrique des pépiements des éléphants d'Asie ont été relevés et documentés par Poole en 2005, et l'imitation du sifflement par les éléphants d'Asie a été décrite en 1982 et 1985 par Wemmer et Mishna. Un éléphant imitant la parole humaine a également été documenté.
4. Quels cris dans quels contextes ?
4.1 Dans le cadre de la défense
Les membres de la famille produisent plusieurs types d'appels différents lorsqu'ils sont confrontés à des prédateurs ou lorsqu'ils se trouvent dans des situations potentiellement menaçantes ou effrayantes. Il s'agit notamment des grondements, des grognements, des trompettes et des rugissements.
Lorsqu'ils sont exposés au son, à l'odeur et à la vue des hyènes, des lions, des humains ou tout autre prédateurs ou situations potentiellement dangereuses, les femelles et les jeunes réagissent généralement en restant d'abord statiques quelques instants, puis en se rassemblant rapidement (en marchant ou en courant les uns vers les autres) afin de se regrouper. Une fois que les éléphants ont évalué le niveau de danger, ils peuvent attaquer en masse ou faire une retraite précipitée. Leur réaction semble être communiquée, en partie, par une signalisation acoustique bien précise.
4.2 Dans le but de s'accoupler
Comme nous l'avons déjà vu dans un de nos précédents articles, les éléphants mâles et femelles adultes vivent dans deux systèmes sociaux globalement différents.
Les éléphants se déplacent sur de vastes territoires et les mâles en musth, donc sexuellement actifs, ainsi que les femelles réceptives, doivent trouver et attirer des compagnons adéquats.
Alors que les périodes de musth des mâles peuvent durer des semaines ou des mois, les femelles ne sont réceptives que pendant une durée de quelques jours. Les mâles se battent pour avoir accès aux femelles réceptives qui, de leur côté, choisissent les mâles en musth les plus âgés et les plus grands. Ces mâles plus âgés et de rang supérieur sont rares.
Les éléphants, mâles comme femelles, localisent des compagnons potentiels grâce à des postures voyantes, à la sécrétion de fortes odeurs et à des cris forts et caractéristiques.
4.3 Les interactions entre la mère et l'éléphanteau
Les éléphanteaux crient souvent lorsqu'ils supplient d'avoir accès au sein, mais aussi quand on leur refuse l'accès à une source de nourriture, lorsqu'ils sont effrayés, contrariés, ou lorsqu'ils sollicitent le soutien ou l'aide de leur mère ou d'autres membres du troupeau.
Dans ces contextes, les appels des éléphanteaux comprennent presque tous les types de cris produits par les éléphants d'Afrique : les grondements, aboiements, cris, grognements, rugissements et trompettes et les cris rauques.
Les mères et les mères d'adoption répondent à ces appels en grondant et en venant en aide physiquement au petit qui appelle. Les éléphanteaux grondent à leur tour, en réponse aux soins prodigués.
4.4 Pendant les conflits
Les éléphants sont moins susceptibles d'entrer en conflit par rapport aux ressources dans des habitats où la nourriture, l'eau et les minéraux sont à la fois abondants et relativement bien répartis.
Mais quand ces paramètres ne sont pas réunis, ou lorsque des mâles se disputent une femelle, alors les conflits entre éléphants peuvent être intenses et les vocalisations associées à un comportement indécis plus fréquentes. En outre, avec l'augmentation des populations humaines, de nombreux éléphants doivent rivaliser avec les humains et leurs bétails, ainsi qu'avec d'autres éléphants, pour l'accès aux ressources.
4.5 Quand les éléphants s'amusent
Lorsque les éléphants s'amusent, les éléphanteaux, les jeunes et les adultes des deux sexes produisent toute une variété de trompettes. La majorité d'entre elles sont des sons harmoniques stridents ; d'autres sont distinctement nasales, tandis que d'autres encore sont pulsées.
Comme nous l'avons vu plusieurs paragraphes auparavant, les trompettes sont associées à un niveau d'excitation élevé, qu'il soit émis lors de sessions de jeux, d'événements sociaux stimulants ou de situations menaçantes, surprenantes ou effrayantes. Mais les trompettes sont suffisamment différentes pour que le simple fait d'en entendre une permette de faire une évaluation assez précise du contexte dans lequel elle se produit.
Dans le contexte du jeu, il semble bien que les éléphants utilisent l'imitation vocale. En effet, ils sont capables d'imiter le type de trompette produite par leurs camarades de jeu, car les trompettes de jeu nasales ont tendance à être produites toutes ensemble, de concert, tandis qu'à d'autres moments ce sont les trompettes de jeu pulsées qui sont répliquées par l'ensemble des camarades de jeu.
La communication, la clef de tout groupe social
Une fois de plus, nous avons pu constater à quel point les pachydermes sont étonnants. Ils prouvent que pour qu'un groupe social puisse être efficace, la communication en est la clé la plus précieuse.
Et qu'il est difficile voire impossible d'avancer dans la vie et dans le groupe sans pouvoir échanger des informations et des sentiments.
Nous ne doutons pas un seul instant que les éléphants nous réservent encore de nombreuses découvertes majeures, dans le domaine de la communication et dans bien d'autres encore.